Viel Mut VI : Je donne ma langue au chat

Cet article n'est pas un article sur les langues.

Un jour, un de mes amis m'a dit : « Dans ces soirées, ces rencontres entre étudiants ou ex-étudiants internationaux, tu remarqueras qu'à un moment ou à un autre, la conversation atterrit toujours sur le sujet des langues ». « Pff », ai-je répondu entre la salade et la viande, me moquant intérieurement de son arrogance. Puis le temps de mastiquer le fromage (du Saint-Albray, je précise), j'ai commencé à me remémorer toutes ces discussions sur les accents, les traductions, les langues que parle untel ou untel. Et, horreur, je me suis dit : « Et si il avait raison ? ». Du coup, j'ai fait gaffe les fois suivantes et le constat fut terrible : il avait raison.

Faites attention avec moi lors de ce genre de conversation et repérez les phrases-clé genre : « Ah oui et comment tu dis XXX dans la langue YYY ? », « Ah oui, tu as un accent, non, tu viens d'où ? Vas-y, parle avec ton accent, qu'on se marre ! », « Ah, mais tu parles ZZZ, c'est fou, tu as appris ça où ? Moi aussi, j'ai fait du ZZZ à la fac ! ».

J'exagère, vous me dites. C'est ce que j'ai cru dans un premier temps aussi. Mais prêtez l'oreille.
Mais, après tout, il y a quoi de mal à parler de langues ? C'est tout à fait normal puisqu'on en utilise tout au moins une pour parler. Sauf que, j'ai beau fouiller les fins fonds de ma mémoire nostalgique, je ne me souviens pas vraiment avoir abordé souvent le sujet dans mes 20 premières années. Vous vous souvenez d'une conversation de collégiens en boom disant : « Tu savais que le hongrois et le finnois étaient de la même famille ? Fou, non ? Tu danses ? ». Ou alors « Dis-moi, Régis, à ton accent, je devine que tu viens du Loir-Et-Cher ! » ?

Alors, évidemment, on n'est plus dans le Loir-Et-Cher (c'est un exemple), on a grandi, traversé l'Europe voire même le monde, étudié à l'étranger (dans notre cas en France ou en Allemagne au moins) et on en a profité pour apprendre une troisième, quatrième, cinquième langue et plus si affinités. Mais tout de même.

Pourquoi, ai-je cogité, le sujet revient sur la table entre l'entrée et la pizza végétarienne ? Parce que, parler longtemps de la pluie et du beau temps, c'est quand même pas facile (vous avez vu la météo en ce moment, cela dit ? C'est fou, il n’y a plus de saisons). Et puis, c'est quand même moins dangereux que de parler politique. Et sur les sujets linguistiques, tout le monde a son mot à dire. Moi-même, j'avoue, j'ai longtemps misé sur le fait que j'avais fait deux semestres de suédois. En réalité, il faut bien l'avouer, il ne m'en reste rien. Si ce n'est que je peux dire en suédois : « Laissez la police faire son travail et dès que nous aurons de plus amples informations, pensez bien que vous en serez les premiers informés ». Ouais, je sais, ça sert à rien.

« Hein, me rétorquez-vous d'un air critique et perspicace, n'empêche que ta chronique franco-allemande, elle parle quand même pas mal de langues jusque-là. » C'est pas faux. Donc, je fais mon travail d'auto-introspection et décide unanimement que ce sujet ne réapparaîtra plus dans ces colonnes.

D'ailleurs, comment tu dis « colonne » en suédois ?


Sébastien Vannier

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