Nathalie Frank
Du cabaret au Kabarett, « die Kleinkunst »,
comme on l'appelle ici, fait rire et réfléchir Berlin depuis 1901.
« Toujours engagé politiquement : c'est ma conception
du Kabarett, avec un K et deux t ». C'est la conception de Gerlinde
Kempendorff, kabarettiste* à Berlin depuis plus de 30 ans et auteur d'une thèse
sur le sujet. Tout a commencé en France à la fin du 19e siècle, avec
l'ouverture du célèbre Chat Noir, divertissant, expérimental, enfumé.
Ernst von Wolzogen passe par là, s'entiche de l'ambiance et ouvre l'Überbrettl
à Berlin, où règnent le Kaiser et la censure. Il faudra donc attendre la
République de Weimar pour que s'épanouisse le Kabarett à l'allemande :
critique, sarcastique, ouvertement politique. Sur scène, les filles en
porte-jarretelles cèdent la place aux plus grandes figures littéraires du
moment, de Kurt Tucholsky à Erich Kästner. En somme, « le Kabarett,
c'est celui qui comprend et change le monde, tandis que le cabaret, c'est celui
avec les plumes aux culs », précise Gerlinde. Non sans une pointe de cet
humour berlinois qu'elle affectionne et qui sied si bien à son art, cet humour
« très franc, direct, un petit peu antipathique, mais c'est bien ce qu'il
faut pour décrire précisément la situation » ! Le IIIe Reich porte un coup
dur au petit art franc, qui renaît de ses cendres dès avril 1945 dans les
ruines de Berlin où, pour un morceau de charbon, on éponge sa soif urgente de
savoir ce qui se passe vraiment. Le Kabarett refleurit, miroir de son
temps : à l'Ouest, il accompagne la démocratisation et ses ambiguïtés, tandis
qu'à l'Est, officiellement au service du pouvoir, il délecte officieusement
ceux qui savent écouter entre les lignes. Depuis la réunification, il est
toujours là : sur scène, à la télé, à la radio**. Les grands du moment
s'appellent Georg Schramm, Volker Pispers, Andreas Rebers, Matthias Deutschmann
ou Hagen Rether. Non germanophones s'abstenir : au Kabarett berlinois,
on papote vite et bien !
* Malgré l'absence du mot ainsi écrit dans le
dictionnaire français, on préfère écrire « Kabarett » avec un « K » et
deux « t » pour le différencier dans l'article du « cabaret » à la française.
** Écoutez-donc l'émission Querköpfe sur Deutschlandfunk
(97,7 UKW), les mercredis à 21h05.
Retrouvez notre dossier
spécial « Kabarett » dans le numéro actuel de BERLIN POCHE (Janvier
2013 - #47)
PDF en ligne
pour 1€ : http://www.scopalto.com/magazine/berlin-poche
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