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Il y a soixante-dix ans, le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie
vaincue par les Alliés signait une capitulation sans condition. Alors que
l’Allemagne de l’Est fit de cette date un jour férié commémorant la «
libération du peuple allemand du fascisme hitlérien », l’Allemagne de l’Ouest
s’abstint résolument de toute festivité. En effet, la notion de culpabilité
collective y dominait largement dans les premières décennies de l’après-guerre.
Dans ce contexte, le discours de Richard von Weizsäcker (1920-2015) du 8 mai
1985 transforma durablement le rapport des Allemands à leur passé.
Député de la CDU dans les années 1970, Richard von
Weizsäcker devient Maire de Berlin-Ouest en 1981 avant d’être élu Président
fédéral en 1984, mandat qu’il occupe jusqu’en 1994. Appartenant à la
Kriegsgeneration, il avait été incorporé dans la Wehrmacht où il avait vu son
frère tomber sur le front de Pologne. Suivant une carrière de juriste après la
guerre, il avait assisté juridiquement son père accusé de crime contre
l’humanité. Von Weizsäcker est donc profondément marqué par l’expérience de la
guerre, expérience qui nourrit son discours qu’il prononce le 8 mai 1985 à Bonn
en séance plénière du Bundestag.
Crédit photo : Bundesarchiv |
Une idée centrale de son allocution réside dans le rejet
d’une notion de culpabilité collective du peuple allemand. Selon von
Weizsäcker, la culpabilité, tout comme la non-culpabilité, ne peut être
qu’individuelle. L’entretien de la mémoire historique et son héritage par les
générations suivantes n’en restent pas moins le devoir de tous. Il affirme : «
Un peuple tout entier ne peut pas être coupable ou innocent. La faute comme
l’innocence n’est pas collective, elle est personnelle. » Et d’ajouter : « Nous
tous, coupables ou non, jeunes ou vieux, nous devons accepter le passé. Nous
tous, nous sommes concernés par ses conséquences et nous en sommes tenus
responsables. » Cette argumentation étaie sa thèse à propos du 8 mai 1945.: «
Ce jour nous a tous libérés du système de la tyrannie national-socialiste
édifiée sur le mépris de l’homme. » Il rappelle ce faisant à ses concitoyens :
« Nous n’avons pas le droit de dissocier le 8 mai 1945 du 30 janvier 1933. »
La récente disparition de Richard von Weizsäcker, le 31
janvier dernier, reflète celle d’une génération d’Allemands nés avant la
Seconde Guerre mondiale et ayant consciemment vécu la dictature nazie, ses
crimes et le conflit dans lequel elle entraîna l’Europe toute entière. Si,
aujourd’hui, la grande majorité du peuple allemand est née après la guerre et
n’endosse donc aucune forme de culpabilité, le devoir de mémoire collective
demeure plus que jamais présent dans les esprits. Un rapport à l’Histoire dont
tous les Européens peuvent s’inspirer.
Article de Jean-Pascal Lejeune extrait du numéro actuel de
BERLIN POCHE (Mai 2015 - #72)
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